mardi 17 novembre 2009

Dix plus trois polars qui se sont plutôt bien adaptés.


Quels sont les meilleurs polars adaptés au cinéma? Attendez, que je précise ma question : y a-t-il des bons polars qui, adaptés, ont fait des bons films? Et si on élève la barre un peu? De très bons, de grands livres, qui ont donné naissance à des films aussi bien, est-ce possible? Bien sûr, comme on dit, «le livre est toujours meilleur que le film», non? Toutefois, quelques adaptations ont donné lieu a des œuvres de qualité qui ont maintenant leur vie propre.

Comme je suis un amateur de polar en livre comme sur grand écran, j’ai concocté une listes des meilleures adaptations. Les règles sont simples : j’ai lu le livre et vu le film, et je considère les deux comme des œuvres excellentes, ou mieux.. Ce qui enlève de la liste Le Parrain (un très grand film, mais je n’ai pas lu le livre), par exemple, ou encore Shutter Island, que je viens juste de lire, mais dont la sortie sur toile a été encore retardée. (Je n’ai pas lu Gone, baby gone, ni vu le film; j’ai adoré le No country for old man des frères Coen, mais je n’ai pas encore lu le bouquin;. Le Dahlia noir est un roman extraordinaire, mais le film était une sorte de potage sans sel, malgré quelques qualités; etc.)

Voici donc une liste de dix, plus trois en bonus pour ceux qui vous jusqu’au bout sans tricher. En commençant par la fin, pour faire comme s’il y avait du suspense.

DIX
En dixième, sans doute mon choix le plus contestable, La Dame du lac. Le roman de Raymond Chandler est un classique du genre. En voulant rendre l’esprit de sa narration à la première personne, l’acteur et réalisateur Robert Montgomery a choisi de tourner un des rares exemples de film à la caméra subjective. On ne voit donc le personnage principal que deux ou trois fois (dans un miroir par exemple). La pub de l’époque annonçait : «Vous et Robert Montgomery résolvez un crime ensemble.» Malgré le «truc» de la caméra subjective qui a pu agacer quelques uns, le film réussit bien à rendre l’atmosphère «dure à cuire» du roman noir.

NEUF
En neuvième, on saute un peu plus de quatre décennies pour se rendre jusqu’à 1990, année de sortie de Les Arnaqueurs, d’après Jim Thompson, l’un des plus noirs explorateurs de l’âme humaine. Un trio glauque formé d’un petit arnaqueur, de sa maîtresse plus ambitieuse et de sa mère qui veut plus que sa part, chargé d’une atmosphère aux relents incestueux, dans une mise en scène précise de Stephen Frears. Jim Thompson ne pouvait pas être adapté correctement à son époque. Trop scandaleux. D’ailleurs The Killer inside me (Le Démon dans ma peau) vient d’être adapté et sortira en 2010. (Il y a une bande-annonce de The Killer… qui circule sur le net, mais attention : elle dure plus de cinq minutes et en dévoile peut-être trop.)

HUIT
Le numéro huit est un livre plus récent et plus connu. Mystic River était à sa sortie le meilleur roman de Dennis Lehane. D’après moi, Un pays à l’aube l’a surpassé, mais c’est une autre histoire. Un véritable roman noir, une plongée lucide au cœur de personnages inoubliables. Il fallait Clint Eastwood pour tourner le film, trouver le rythme de cette histoire et laisser les comédiens l’incarner. Des oscars bien mérités pour les rôles masculins!

SEPT
En septième, on trouve un livre, mais deux films. The Hunter, curieusement traduit Comme une fleur en français (en attendant sans doute un meilleur titre quand il passera chez Rivages!), a donné lieu à un film de John Boorman, Point Blank (Le point de non-retour), avec Lee Marvin et Angie Dickinson. Le scénario s’éloigne assez radicalement du roman, mais le film nous marque par son ambiance au froid onirisme, son rythme et sa grande qualité visuelle. L’adaptation de 1999, Payback, avec Mel Gibson, est beaucoup plus fidèle au livre. Le début est presque exactement le même! Parker rentre à New York à pied et sans le sou (il n’a même plus de cigarettes), mais après un chapitre il a un portefeuille plein, de nouveaux habits, et une arme chargée. Prêt à se venger de ses complices, qu’il aurait dû mieux choisir. On avait reproché à Point Blank sa violence, mais que dire de Payback? C’est qu’on est plus tolérant aujourd’hui, dans l’après Tarantino. Un très bon film, même pour quelqu’un qui comme moi n’apprécie pas particulièrement Gibson.

SIX
D’accord, avec le numéro six, je trahis mon goût pour les classiques de la littérature et du film noir (mais attendez de voir le numéro un!). Une «auteure maitresse», en partie adaptée par un maître du roman noir (Raymond Chandler), pour un film réalisé par le maître du suspense. Trop de chefs gâtent la sauce, dit-on. Elle a bien failli ne pas prendre, en effet, quand Chandler et Hitchcock travaillaient ensemble; mais un second auteur est venu terminer le travail… L'inconnu du Nord-Express : cette histoire est devenue classique, même pour ceux qui n’ont pas vu le film. Dans le train où ils font connaissance, Bruno, un fils à maman pervers et malfaisant, fait à l’architecte Guy Haines (il est joueur de tennis dans le film) une étrange proposition : échanger leur meurtres! Ainsi Guy sera débarrassé de son épouse, qui refuse de divorcer, et Bruno de son père, sans que personne ne fasse le lien entre eux. Guy refuse, bien entendu. Mais Bruno ne prendra pas ce «non» pour réponse… À signaler, une parodie tournée en 1987 par Danny DeVito, avec Billy Crystal, joliment intitulée Balance maman hors du train.

CINQ
Autre bond dans le temps. Il est curieux que les producteurs de L.A. Confidential (1997, oscar du meilleur scénario adapté, du roman du même nom de James Ellroy, publié en 1990) aient choisi d’adapter en premier le troisième tome d’une série. Mais il est vrai que les livres ne sont pas complètement des suites, puisque peu de personnages reviennent d’un roman à l’autre. Sauf que. Sauf que, la fin contestable (surtout par rapport au sort de Dudley Smith, l’un des plus beaux méchants de la littérature policière) semble compromettre la possibilité de tourner White Jazz, le quatrième opus du «quatuor de Los Angeles». Je ne dis pas pourquoi, pour ne pas gâcher l’intrigue.
Mais le rythme du film son montage serré, sa beauté visuelle, ses acteurs extraordinaires rachètent tout. Ce n’est pas mon cas, mes les gens qui sont déçus sont en général ceux qui ont lu le livre…

QUATRE
Nous voici rendu au numéro quatre, et voici encore un livre de Raymond Chandler. Malgré une intrigue tarabiscotée, déjà présente dans le livre mais accentuée par un scénario écrit en plein tournage et jamais tout à fait achevé, Le Grand sommeil est à juste titre autant un livre-culte qu’un film-culte. Si vous savez qui a tué le chauffeur, vous êtes bien le seul, car ni le réalisateur Howard Hawks ni l’auteur du scénario, nul autre que William Faulkner, ne le savaient. Ils ont donc téléphoné à Raymond Chandler… qui n’en avait aucune idée! Peut-être pas le meilleur film noir de l’époque classique, mais l’un des plus mythiques, où le couple Bogart-Bacall crève l’écran, bien que leur relation à l’époque fût plutôt difficile (ils se reprendraient par la suite, quand le divorce de Boggie serait officiel).

TROIS
La troisième place du podium est occupée par un autre classique du roman «dur à cuire», devenu un autre film mythique avec Humphrey Bogart. Le Faucon maltais (le titre du livre est plutôt Le Faucon de Malte) est souvent considéré comme le premier «film noir». Bien que ce statut soit contestable à plus d’un point de vue, le film a contribué à lancer la carrière de Bogart (jusque là confiné à des rôles secondaires qui survivaient rarement jusqu’au générique de fin) et le film de «private dick». C’était pourtant la troisième adaptation du livre. Il faut dire que les deux premières n’avaient rien bouleversé, et qu’elles ont de nos jours un simple statut de «bonus» sur le DVD…

DEUX
La médaille d’argent va à l’un des films policiers les plus connus, celui qui a sans doute le plus contribué à lancer une certaine «mode» des tueurs en série, Le silence des agneaux. Le succès du film, aux guichets et dans l’imaginaire occidental, ne doit pas occulter la qualité du livre. Un page turner certes, mais aussi une étude de personnages très intéressante, une écriture efficace qui va à l’essentiel et laisse le lecteur vivre ses émotions (essentiellement, la peur). Je n’ai pas vu le film depuis longtemps; je voulais un peu oublier l’histoire afin de lire le livre. Notez que le premier roman de cette «série», Dragon rouge (encore meilleur), a donné deux films, le plus réussi, et de loin, étant le moins connu (Manhunter, de Michael Mann).

UN
Le grand gagnant, ma médaille d’or, ne fera peut-être pas l’unanimité. Le livre, un ancien série noire, est passé au «folio policier» en 1999. L’aguicheuse couverture de Quand la ville dort n’a rien à voir avec le contenu du livre, un classique parmi les classiques du roman de gangster, une histoire de cambriolage comme j’en raffole, racontée avec un mélange de distance et de respect pour ses personnages de ratés sur le point de presque réussir. C’est aussi le livre le plus fidèlement adapté que j’aie vu en film! Avec cette histoire, John Huston a créé peut-être l’un des trois ou quatre meilleurs films noirs. Un DVD région 1 est sorti il y a quelques années, mais si vous avez un lecteur qui peut lire les région 2, demandez à votre libraire qu’il vous commande l’édition spéciale folio policier de 2008, qui comprend le DVD! Vous ne le regretterez pas, mais pas seulement parce qu’il y a une certaine M. Monroe dans un de ses premiers rôles.

BONUS!

Maintenant voici, en prime, trois films adaptés des polars d’Elmore Leonard, que je considère comme mon maître en polar. Plusieurs films ont été produits à partir de son œuvre, mais j’ai choisi ces trois-là parce que c’est les meilleurs… mais aussi parce que c’est le choix de Monsieur Leonard lui-même!

Get Shorty (en français Zigzag movie, titre contestable au mieux), a donné le film du même nom qu’on a traduit Stars et truands en France et C’est le petit qu’il nous faut au Québec. Passons sur ces choix de titre, mais Get Shorty est véritablement la quintessence du cool à la Elmore Leonard avec ses dialogues allumés et ses intrigues joyeusement entremêlées. Le film a donné l’occasion à une brochette de comédiens (dont un superbe Gene Hackman à contre-emploi) de s’amuser, et nous aussi! Leonard dit de ce film qu’il a été le premier à «sonner» comme ses livres.

Ensuite, encore meilleur : Jackie Brown. Le livre s’appelait Rum Punch (Punch Créole en français), mais Tarantino a eu la bonne idée nommer le film comme son héroïne. Il a aussi transposé le film dans un univers musical black, qui n’était pas présent dans le livre (Jackie n’y était pas noire), mais qui accentue la coolitude leonardienne de belle façon. À mon avis le meilleur film de Q.T., son moins affecté. Il a toujours dit qu’Elmore Leonard était l’une de ses influences les plus importantes. (Il possède d’ailleurs toujours les droit d’adaptation d’un de ses westerns, 40 lashes less one , qu’on serait bien curieux de lui voir réaliser un jour.)

Mais la meilleure adaptation d’Elmore est sans contredit le magnifique Out of sight (Loin des yeux)! Tout y est : le cool (qui l’est plus que George Clooney?), les personnages atypiques bien campés (Jennifer Lopez en Karen Sisco, marshall fédéral, Dennis Farina en papa Sisco), le rythme, la musique, les images. L’un des meilleurs films du surdoué Steven Soderbergh et une belle histoire d’amour crédible dans un polar! On ose espérer que la même équipe fera un film avec Road Dogs, la suite parue au printemps 2009, et à paraître en français en 2010, semble-t-il. Note intéressante : Michael Keaton joue dans les deux films le rôle (très secondaire) de Ray Nicolette, un flic fédéral.

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